vendredi 11 mars 2011

Le tête à tête.


Quand nous déjeunons, le papy et moi, en tête à tête, ce qui est rare il faut en convenir, les discussions et les prises de positions sont plus tranchées que lorsque nous dînons en soirée après le déroulement actif ou stressant de la journée. Il y plus de patience et de fatigue le soir, plus de précautions pour ne pas dire ce qu'il ne faut pas. Après tant d'années, nous parvenons à savoir ce qu'il ne faut pas dire pour mal élever l'autre. Mais lorsque nous déjeunons en tête à tête, nous protégeons moins nos mystères, comme dit Brel. Je commence à parler des gens qui passent devant la maison et qui flânent. Le privilège d'habiter dans un des plus beaux villages de Wallonie est bien celui de pouvoir croiser des âmes curieuses. Les marcheurs, les touristes sont tendrement curieux. Il s'étonnent de la position d'une pierre sur une façade, du bruit d'un tracteur au bas de la rue et moi, je m'étonne d'eux et de leurs comportements. Je continue en parlant des bruits, des sens, des aventures dérisoires. le papy aime bien les aventures dérisoires. Ces moments inutiles qui disent tout de l'autre et de ses habitudes. Quand nous déjeunons, nous parlons de nous. De nos problèmes de vue ou de mobilité. Nous nous promettons de faire ce qu'il faut faire pour prolonger le bail sur terre. Nous parlons des vacances et des études de nos petits. Nous parlons de la maison de notre fille, de ses envies. Nous nous arrêtons de parler pour avaler une bouchée de pain, de sandwichs ou pour ajouter un peu de salade au dessus de la viande. Nous déjeunons ensemble si rarement. Je me sens plus jeune quand nous déjeunons ensemble parce qu'il y a dans l'après-midi du temps de rechange, du temps à vivre encore.

Aucun commentaire: