Almanach

Nous fêtons, cette année, le papy et moi, nos trente-huit ans de mariage. Les noces de mercure dit l'Almanach. Il faudra attendre quarante années pour fêter celles d'émeraude. C'est ce qu'affirme la page cent nonante de l'almanach de cette année. Plus de trente années que je l'achète. Une accumulation heureuse de petits livrets denses et tellement semblables.
D'année en année, les rubriques changent peu. Seuls, quelques éléments chiffrés, chronologiques ou mathématiques changent. L'horoscope chinois est apparu il y a peu. Pour le travail au potager, les mêmes recommandations valent depuis plus d'un siècle. Mais qui donc aujourd'hui entretient son potager ? Une lointaine voisine au dessus du village a commencé ce qui était l'ordinaire il y a trente années. Elle a retourné la terre, semé et planté. Un beau potager, à vrai dire. Une parcelle qui impose respect et émotion. Il me faut vous avouer la raison pour laquelle, chaque année, je me procure cet Almanach de Liège. Je crois, depuis tant d'années, avoir un petit pouvoir... Celui d'annoncer le sexe des enfants à venir aux mères enceintes. Cette capacité de prédire m'a valu de me voir offrir quelques bouteilles de champagne ou des déceptions à peine voilées dans le chef des familles qui m'ont consultée. L'Almanach m'était indispensable pour consulter le cycle de la lune. Une alchimie entre la date des dernières règles de la femme et le cycle du satellite de la terre me permettait de prédire le sexe du futur nouveau-né. Je n'ai pas perdu cette habitude et ce pouvoir de deviner. Je l'utilise moins, c'est vrai.
J'ai gardé , par contre, l'habitude de me plonger dans les pages de ce livre. Pour un rien, un oui ou un non, un sourire, un soupir. Le papy a bien fait de revenir aujourd'hui avec l'édition de l'année. Il a bien fait.