mardi 30 décembre 2008

Histoire de cuisines







Je parle, sans cesse de cuisine, de recettes, de préparations. Il est intéressant, surprenant même, de connaître comment la pièce qui sert à préparer les repas et que nous nommons “la cuisine “, a évolué au cours des siècles. Je me suis promenée sur les traces et remarques de Ségolène, un blog où tout est “à boire et à manger”. De quoi apprendre ce qu’il faut.
Dès que les hommes eurent un toit, ils transportèrent le foyer à l’intérieur de la maison, ou l’installèrent  à l’extérieur près de la porte par crainte des incendies et souvent sous un auvent pour le protéger des intempéries. Au tout début jusqu’à l’an mil environ, le foyer est posé à même le sol de terre battue, toujours bordé de pierres ou de briques. Il impose de faire la cuisine accroupi ou assis sur un siège très bas. La condition de la maîtresse de maison était très difficile à cette époque. Les chaudrons, pots pour faire cuire les soupes et autres mets au dessus du foyer sont à l’origine en terre cuite, ensuite  en cuivre, parfois en bronze, de même que les poêles qui devenaient poêlon pour des préparations moins importantes. D’autres ustensiles pour faire cuire ? Le coquemart, un pot en métal à longue queue. Le cocasson, une sorte de bouilloire et la caquerolle, un coquemart à 3 pieds. La crémaillère en fer qui sert à  suspendre la marmite au dessus du foyer est rare dans les campagnes jusqu’au 15ème  siècle. La plupart des paysans n’ont qu’une marmite en terre et très vite remplacée par le cuivre plus résistant aux chocs des cuillères.
Le foyer-cheminée, avec hotte et conduit pour évacuer la fumée, n’apparaît qu’au 10ème siècle dans les châteaux et monastères. La cheminée : Dans la cuisine, souvent très vaste avec des bancs sur les côtés, on suspend au manteau, viandes et poissons à fumer, et aussi la crémaillère qui supporte la marmite essentielle et magnifique.
Les cuisines sont pourvues d’un évier en pierre creusé et équipé d’un écoulement  qui se vide directement dehors. Les seaux à puiser en bois conserve l’eau dont on a besoin pour la cuisine, pour se laver et pour boire. On range aussi  la râpe en fer, le mortier, ustensile indispensable pour broyer l’ail, les graines de moutarde, les herbes aromatiques, les épices.
Salières et saloirs, vinaigriers, planches à découper, cages à fromages, planches sur lesquelles sont modelés les pains, couvercles de pots, écuelles, louches et cuillères sont façonnés en bois. Par contre, les passoires, les écumoires, les crocs en fer pour saisir les grosses pièces de viande sont fabriqués en métal. Dans toutes les maisons, on trouve les maies à pétrir et blutoirs car, au moins une fois par semaine, on pétrit le pain que l’on va faire cuire dans le four banal à la campagne et chez le boulanger en ville qui, lui, a obtenu les exemptions de taxes. Lorsque le paysan est trop pauvre pour payer la taxe au four banal, il fait cuire le pain soit directement sur les braises, soit dans un moule creux ou plat. Comme on continue de le faire en Inde par exemple.
Dans les cuisines urbaines on trouve nombre de boîtes en terre, bois, métal et cuir pour protéger et ranger les petites denrées à l’abri des rongeurs et des insectes. Et dans les maisons les plus riches un meuble fermant avec un cadenas, appelé « armarie » puis armoire, conserve les denrées les plus chères et précieuse comme les épices. Et aussi des moules à pâtés, à tartes et à flans, des fers à gaufres et à oublies surtout chez les artisans ou parfois dans les cuisines des classes les plus aisées. Il ne faut pas oublier qu’en ville les habitants achètent beaucoup de plats tout préparés chez le pâtissier ou le charcutier.

Ce n’est pas par hasard que les livres de cuisine commencent à se répandre à partir du 17ème siècle. Jusqu’au XVIème, les progrès techniques ne sont pas tels qu’ils puissent modifier grandement les manières de cuisiner, mais à partir du XVIIème les changements de modes de cuisson associés à de nouvelles aspirations culinaires et l’utilisation de nouveaux produits vont changer l’art culinaire de façon définitive et profonde.
Dans les villes et les campagnes, chez les plus pauvres rien ne change vraiment, mais dans les classes plus aisées et le plus souvent urbaines, on assiste à de profonds bouleversements. La cuisine devient une pièce à part : le lieu où l’on prépare à manger. Ce qui existait dans les demeures aristocratiques et de la grande bourgeoisie tend à se démocratiser peu à peu vers les classes bourgeoises moins riches. Il ne faut cependant pas perdre de vue que jusqu’à l’arrivée du chauffage central, la cuisine reste la pièce à vivre dans beaucoup de maisons.
Le cuivre et la terre cuite restent les matières de prédilection pour cuisiner. On se transmet de mère en fille des grosses pièces de la batterie de cuisine fabriquées en cuivre étamé et très solides : bassines à confitures, casseroles, tourtières, turbotières et poissonnières.

Le fer blanc est inventé au début du 18ème siècle, et cela permit de créer de nombre d’ustensiles pour des usages bien définis, de plus petite taille, adaptés aux nouveaux modes de cuisson, meilleur marché que le cuivre donc accessibles pour toutes les cuisinières. Mais les récipients en cuivre étamé restent les privilégies des cuisiniers.  La casserole à fond plat est un élément nouveau dans les cuisines parfaitement adaptée aux fourneaux il est l’héritier à la fois  du caquerole et des grandes cuillers médiévales, de même que les poêles à fricasser.
La grande innovation est la création du potager, sorte de fourneau en maçonnerie recouverte de carreaux de faïence, percé d’ouvertures protégées par une grille amovible au fond desquelles brûle un feu de bois ou de charbon de bois. Cela permit, outre le fait de cuisiner plus confortablement, à bonne hauteur sans se casser le dos, de pouvoir faire cuire avec des chaleurs différentes et de varier les préparations. Cela influence les préparations culinaires, en permettant de cuire séparément les aliments, on peut enfin cuire les légumes directement  dans une casserole dans leur jus et faire réduire les sauces préparer les roux et les coulis, et les viandes dans les poêles et ne pas leur faire subir la même cuisson. Et on peut enfin spécialiser les tâches puisque dans les immenses cuisines des châteaux, on peut construire plusieurs potagers.

Dans les cuisines des maisons aristocratiques, l’abandon du sucre dans la cuisine pour n’être plus l’ingrédient que de la pâtisserie et confiserie entraîne la séparation de l’office réservé au travail du sucre de la cuisine proprement dite.   
Le potager est l’ancêtre de la cuisinière portative en fonte inventée pendant la révolution française Par un mécanicien lorrain de génie qui avait conçu déjà auparavant le tournebroche mécanique dont peut encore admirer quelques spécimens dans certaines demeures.
Le 19ème siècle voit la continuation de la modernisation du matériel de cuisine alors que la pièce perd de son prestige et est reléguée au fond des maisons et appartements. Les ustensiles en aluminium sont plus faciles à entretenir, de même que les revêtements. Avec l’arrivée de l’eau courante et du gaz de ville, les tâches sont simplifiées et l’hygiène y gagne : plus besoin d’aller puiser l’eau et de la conserver dans des fontaines, il suffit de tourner un robinet pour avoir de l’eau potable et les tuyaux d’évacuation entraînent les eaux usées directement dans le tout à l’égout. Les brûleurs apparaissent sur les cuisinières au gaz.
Le 20ème siècle est celui de l’électricité qui s’installe dans les maisons des villes puis des campagnes. Peu à peu le matériel de cuisine s’électrifie et les nouveautés apparaissent peu à peu. L’invention du réfrigérateur permet de mieux conserver les aliments, les cuisinières électriques concurrencent celles au gaz et peu à peu la cuisinière se divisa : des plaques de cuisson d’un côté et des fours encastrables de l’autre. Puis arrivent les congélateurs et les micro-ondes, les lave-vaisselle, les cafetières, bouilloires, grille-pains, les robots ménagers électriques. Depuis quelques décennies, la cuisine redevient une pièce à vivre où l’on prend ses repas. Le rangement est à la fois rationnel et esthétique : c’est le règne de la cuisine intégrée. Paradoxalement au moment où les femmes cuisinent de moins en moins. (les photos qui illlustrent l’article sont mes péférées de l’année.)

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