Je vais finir par croire que d’être vieux consiste à ne parler que de la pluie et du beau temps. Avec fougue ou renoncement. En me relisant, je vois que j’accorde aux nuages et au vent, à l’éclaircie et à l’averse, à la chaleur et à la moiteur, bien plus d’importance qu'ils n’en ont, ensembles réunis. En me relisant, je constate qu’il me faut m’accrocher aux saisons alors qu’elles se dispensent de s’interesser à moi. Pire même, qu’elles me condamnent à brève échéance. J’aurais du admettre ceci depuis si longtemps, moi qui parle à l’oreille des arbres nains et vieux et qui les écoute. J’ai perdu là un temps important. Sans doute celui que j’ai perdu pour moi-même.
Perdre son temps... Gagner du temps. Moi qui suis joueuse de tempérament, je n’arrive pas à imaginer ce que j’ai gagné ou perdu en parlant du temps. Mélange du temps des saisons et de celui qui passe.
Aujourd’hui donc, je dirais, comme jadis, que le vent est violent. Qu’on en entend la musique rugueuse et rêche. Que sa force et son action sur la parabole du satellite vont empêcher le vieux papy de regarder la demi-finale de l’Euro. Il s’est habitué à cette absence d’images en été. Nous avons dîné dans le vent bruyant et le soleil dense d’un presque repas d’automne. Des fusillis au ragoût de boeuf et aux champignons. Des girolles, des pleurotes, des champignons d’Asie et de Paris qui suent dans les oignons pelés. La viande, un beau morceau de rumsteack, va frire et brunir de partout. Soustraite du feu, elle va laisser ailleurs dorer les oignons rouges qui vont accueillir les champignons. Du vin chaud et rouge, ici un bien agréable Médoc, et deux cuillerées à peine de crème fraîche vont enrober les morceaux de boeuf. Poivrer et saler avant de mélanger aux pâtes. Nous avons dîné dans le vent violent.
Il est souvent amusant de le voir trouver des excuses pour quitter la table afin de rejoindre l’ordinateur ou le téléviseur.
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